Procès Ruddy Alexis à Paris - 7ème jour : Gircour Vs Tacita

6 mai 2014 | noreply@blogger.com (FRédéric)


 Le seul ?

« - Monsieur Gircour, m’interroge maître Tacita,  vous nous parlez d’un commando qui serait intervenu ce soir-là. Au nom de quoi devrait-on vous croire ? Ne trouvez-vous pas curieux qu’aucun des témoins présents ce soir-là n’en n’ait parlé dans ses dépositions ?

-         C’est faux ! s’étrangle maître Démocrite ! L’avocat de la partie civile lui fait sèchement remarquer qu’il aura la parole tout à l’heure, avant de poursuivre :

-         On ne trouve trace nulle part dans ce dossier de ce que vous nous dites. »
 

 Patrice Tacita - © Leïla Santa-Croce


 Je commence par préciser que je ne suis pas le seul à évoquer cette affaire puisque cela a notamment été révélé par Mediapart dans un article resté quatre jours en une du célèbre site d’investigation.

« -     Oui, mais personne n’en parle dans le dossier d’instruction ! insiste l'avocat.

Je ne peux réprimer un sourire malgré les circonstances :

-         Maître, il ne vous aura pas échappé que c’est précisément ce que je viens de dénoncer : que des aspects fondamentaux de cette affaire ont été délibérément écartés dans l’enquête,  pour ne pas dire étouffés et je vous ai expliqué de quelle façon. Une seule piste semble avoir été privilégiée, la seule qui permette d’éclabousser un tant soit peu le LKP en impliquant une de ses organisations, la CTU. Quitte à tordre le bras à la réalité, quitte par exemple à faire d’un SMS dénonçant des propos qui ont fait l’objet de poursuites pour apologie de crime contre l’humanité et incitation à la haine raciale, quitte donc à vouloir nous faire avaler la thèse pathétique selon laquelle ce SMS antiraciste constituerait un appel au meurtre sciemment relayé dans ce sens par des syndicalistes.»


Une enquête entièrement à charge
 
Je poursuis : 
« En revanche, trouve-t-on trace dans votre dossier d'un autre SMS…

-         Je vous remercie, tente de m’interrompre l’avocat

-         Vous m’avez posé une question, permettez que je vous réponde. Je vous demandais si on trouvait trace dans votre dossier d'un autre SMS lu celui-là le 12 février sur l’antenne de Canal 10, la seule chaîne n’étant pas en grève à cette date, par la présentatrice Yvelise Boisset, six jours seulement avant le meurtre ? Elle demandait à Elie Domota, porte-parole du LKP son sentiment sur un SMS que faisaient circuler certains patrons et qu’elle avait elle-même reçu. Ce texte déplorait le fait que même la police avait peur des manifestants, et en appelait à la nécessité pour les patrons d’organiser eux-mêmes leur défense pour « ne pas laisser des voyous ruiner le travail de toute une vie ». Elie Domota avait alors répondu en direct être au courant  que des patrons étaient en  train de « prendre leurs dispositions pour tirer sur des gens. Ils ont monté un commando, une milice armée. Ils payent ces jeunes gars 200 euros par jour (…) ». Ces propos, maître, ont été tenus moins d’une semaine avant que le syndicaliste Jacques Bino ne soit abattu. Je ne sais pas vous, mais moi ça me parait avoir un lien autrement plus direct avec l’affaire qu’un SMS anti-raciste qui a circulé dans toute la Guadeloupe… Est-ce que votre dossier en fait mention ? 

Je marque un temps, Patrice Tacita ne me répond pas. Je le fais pour lui :

Non. Elie Domota a-t-il seulement été entendu à ce sujet ? Là encore, la réponse est non. Voilà ce que je dénonce.

  
La théorie de l'autre bande de jeunes 
 


Ceci étant, permettez-moi d’ajouter, pour avoir assisté aux débats du premier procès qu’il est faux de prétendre que les témoins n'en parlent pas. Ces faits ont été plusieurs fois évoqués, à la seule différence qu’il n’est effectivement pas fait état dans leurs déposition d’un commando mais de jeunes qui auraient attaqué d’autres jeunes. Cette analyse ne tient pas la route :

-         D’abord parce que ce soir-là, des casses et des pillages avaient lieu sur tout le territoire de la Guadeloupe, la police était totalement débordée. Pourquoi dans ce cas prendre le risque d’intervenir sur une petite bijouterie de quartier - le Boulevard Légitimus, ce n’est pas la place Vendôme - sur le territoire des jeunes d’une des cités les plus chaudes de Guadeloupe, très nombreux sur les lieux et pour certains, armés ?

-     Ensuite, s’il s’agit de jeunes intervenant avec une motivation crapuleuse, une fois ayant obtenu que les casseurs et spectateurs se dispersent et prennent la fuite, pourquoi ne rentrent-ils pas dans la bijouterie pour finir le travail ? Ils se contentent de délester les casseurs de ce qu’ils ont pu prendre et s’en vont. Je le redis, ça ne tient pas la route… »



Quand ce sera le tour des avocats de la défense, Maître Démocrite lira un témoignage de Prudon, qui décrit très exactement l’intervention d’un groupe armé sur les casseurs de la bijouterie, avec cette différence près, comme je l’avais indiqué, que pour qualifier ces agresseurs, le témoin évoque « une autre bande de jeunes ».

« -     Est-ce à cette scène que vous faisiez allusion, M. Gircour ?

-          C’est tout à fait ça. »



FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
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