Pourquoi faut-il tous manifester ce samedi 1er juin 2013 ?

Jacky Dahomay - 31/05/2013
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Epandages aériens
"contribuer à la prise de conscience des modifications nécessaires pour une agriculture au service des peuples"

Pourquoi faut-il tous manifester ce samedi 1er juin 2013 :

Que nous soyons tous différents, selon nos origines, nos conceptions politiques, religieuses, idéologiques, nos âges ou nos expériences diverses, quoi de plus normal dans toute société démocratique ?

Mais il arrive que les démocraties se perdent, dans des expériences négatives.

Cela se produit lorsque nous oublions le sens du bien commun, surtout quand l’Etat et les partis politiques n’ont guère le souci d’un sens plus élevé de la politique. C’est ce qui s’est produit avec la tragédie de la chlordécone. Des intérêts particuliers ont prévalu sur le bien public.

Il appartient donc aux différentes composantes de la société civile de se révolter et de réaffirmer le sens du bien public c’est-à-dire de l’intérêt général. Telle la tache de l’heure, celle qui nous dicte de manifester le premier juin contre la reprise de l’épandage aérien.

Et nous devons le faire pour plusieurs raisons :

Premièrement, même si diverses enquêtes montrent que la grande majorité de l’opinion est contre la reprise de l’épandage aérien, on ne peut en rester à une simple constatation statistique. Il s’agit donc de manifester au grand jour, dans l’espace public, notre mécontentement. Tel est notre devoir de citoyen. Il n’est pas normal que l’Etat (par la voie de Lurel le Ministre et de Marcelle la Préfète) nous impose une pratique que, majoritairement, nous condamnons.

Le poids des lobbies des pesticides et de la banane ne doit pas prévaloir sur la puissance du démos, du peuple, que nous représentons. Mais encore faudrait-il que cette puissance se déploie. Il ne s’agit pas de déclarer que l’on est contre la reprise de l’épandage aérien et de rester chez soi le jour prévu pour la manifestation ou de mettre en avant des querelles de personnes plutôt que l’intérêt général, ce qui d’ailleurs est une tare léguée par la complexité de notre histoire. Rappelons tout de même que c’est grâce à l’action menée par nos associations qu’on a pu interdire le banole et d’autres produits dangereux qui depuis plus d’un an étaient disséminés par épandage aérien.

N’avons-nous pas fait oeuvre de salubrité publique ? Est-il normal que dans la demande de dérogation des planteurs, il ne soit pas précisé explicitement les produits qui vont être utilisés. Nous prend-on pour des imbéciles ?

Deuxièmement, nos divergences, normales dans toute démocratie, ne peuvent être un frein à l’unité ponctuelle face à des événements aussi graves. Les pratiques culturales négatives qui nous ont été imposées dans notre pays ont déjà fait beaucoup de mal. Il n’est pas acceptable que l’on puisse souffrir à ce point que nos pays soient devenus des « monstres chimiques ».

Pensons à l’avenir de nos enfants, à celui des générations futures. Nous avons un devoir vis à vis d’eux. Un peuple qui accepte cela aujourd’hui ne pourra rien construire de positif demain. Telle est notre responsabilité. Nous devons donc savoir mettre entre parenthèses nos divergences politiques ou idéologiques, même ponctuellement quand il s’agit de l’intérêt supérieur de la Guadeloupe. Il est supérieur car il transcende les clivages sociaux et politiques.

Car c’est le même lieu, nos îles, que tous nous devons continuer à habiter.

Quand donc l’Etat s’avère prisonnier de la puissance des lobbies soucieux uniquement de leurs intérêts fussent ceux-ci contraires à l’intérêt général, quand malheureusement nos politiciens locaux, à part quelques rares exceptions, sont incapables de prendre leurs responsabilités face à ces graves problèmes, il appartient à la société civile de faire entendre sa voix.

Troisièmement, il faut aussi être dans la rue le 1er juin car ce n’est pas souvent qu’un ensemble d’associations et d’organisations diverses appellent unitairement à manifester sur un problème de nature essentiellement sociétale.

Non que les problèmes sociaux ne soient pas importants. Ils risquent de l’être d’autant plus que la crise s’aggrave et que les entreprises guadeloupéennes connaissent de plus en plus de difficultés et que le chômage, déjà endémique, ne cesse d’augmenter.

L’histoire nous montre qu’en période de crise, la souffrance ou le désarroi des travailleurs peuvent les conduire à perdre de vue l’intérêt général, à s’abandonner à des préoccupations de survie de courte vue et à se laisser séduire par des leaders fascistes.

Ce spectre guette aussi bien l’Europe que d’autres pays du monde. Il nous semble donc important que durant ces graves temps de crise des manifestations pour la défense de l’intérêt public maintiennent le cap de l’espérance et introduisent une rupture dans ce climat délétère.

Enfin, nous savons bien que la crise ouverte dans la banane a des conséquences sociales et économiques importantes, que les travailleurs agricoles de ce secteur comme les petits et moyens planteurs craignent de perdre leurs moyens de subsistance. Mais Il y a longtemps que la question de la transformation de l’agriculture en Guadeloupe est posée.

Or, à ce sujet, l’attentisme est ce qui caractérise l’Etat et nos responsables politiques.

Quand Victorin Lurel déclare que notre collectif serait responsable si on se retrouve avec des tonnes de bananes sur les bras, c’est profondément injuste.

Depuis la tragédie de la chlordécone, la question de la restructuration de l’économie agricole est posée. Or les responsables politiques et l’Etat ont eu une position tout à fait attentiste à ce sujet, dans l’intérêt bien sûr du lobby bananier et de celui des pesticides. C’est de l’irresponsabilité grave de leur part d’autant plus que le rapport de la Cour des comptes de 2011 montre bien que les subventions accordées aux planteurs de banane, si elles enrichissent ces derniers, ne rapportent pas beaucoup à l’économie guadeloupéenne et ne favorisent pas la diversification agricole.

En manifestant tous dans la rue le 1° juin pour interdire la reprise de l’épandage aérien, nous contribuons à la prise de conscience de cette modification nécessaire pour une agriculture au service du peuple et, en surgissant ainsi dans l’espace public comme volonté collective, c’est aussi une manière de participer à une opération de « désenkayage » de notre pays.

Mais au-delà de la Guadeloupe, nous participons ainsi, au plan international, à la lutte de tous ceux qui s’opposent à la domination du système néolibéral mondialisé lequel, en s’appuyant sur les avancées de la technoscience et au mépris de toute bioéthique, développe un productivisme dans l’agriculture et l’élevage soucieux uniquement de ses intérêt financiers et qui en conséquence écrase l’homme et la nature, comme si le progrès avait noué un pacte avec la barbarie.

Telle est la petite réflexion que je voulais communiquer et bien sûr, cela n’engage que moi et non l’ensemble des organisations signataires du tract d’appel à la manifestation.

Jacky Dahomay

Jacky Dahomay, professeur de philosophie à la retraire (il a enseigné au Lycée de Baimbridge) et membre du Haut Conseil à l’Intégration est notamment l’animateur de La Casa del Tango, située à Jarry (...)
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 31/05/2013

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