La Nuit rwandaise n°4

Bitin - 10/05/2010
Image:La Nuit rwandaise n°4

13 mai, jour du repentir
50 ans de néo-colonialisme

2010, 50 ans de néo-colonialisme.

La Nuit rwandaise, revue annuelle consacrée à l’implication
française dans le génocide des Tutsi, paraît cette année le
13 mai en mémoire des résistants de Bisesero, victimes
de la barbarie coloniale. Le 13 mai, jour du repentir.

Edito

Cela fait quatre ans maintenant que, chaque année, nous rassemblons
des textes consacrés à l’implication française dans le dernier
génocide du XXème siècle, le génocide des Tutsi du Rwanda, en 1994.

En hommage à Jean-Paul Gouteux, qui de 1994 à sa mort aura
été le dénonciateur implacable de ce crime de l’État français, qu’il
qualifiait de « Rwandagate », nous avons emprunté le nom de cette
revue à son livre La Nuit rwandaise, la dénonciation la plus impitoyable
de l’ignominie française, et jusqu’à peu, la plus documentée.

Saluons ici la parution du livre de Jacques Morel, La France au coeur
du génocide des Tutsi
, un grand livre de 1500 pages qui résume le plus
grand scandale de la République.

La Nuit rwandaise est ainsi devenu le nom de ce scandale qui se
prolonge depuis bientôt vingt ans. Cela fait presque vingt ans que la
France intervenait au Rwanda, en octobre 1990, et depuis vingt ans
une sombre nuit s’est abattue sur la démocratie française. Car, ainsi
qu’on a pu l’étudier et le décrire abondamment dans cette revue
comme dans de multiples livres, articles, travaux universitaires,
conférences ou documentaires, c’est depuis le premier jour de cette
intervention décidée par François Mitterrand que l’armée française a
contribué on ne peut plus activement à l’un des plus grands crimes
racistes de tous les temps.

Depuis vingt ans de même, on enregistre avec stupeur le grand
silence des médias, l’horrible complicité de ceux qui ont pour fonction
de préserver la démocratie de telles dérives. Le bruit que certains
peuvent faire par moments s’est bien trop souvent avéré répondre
aux besoins classiques de ce qu’on appelle la désinformation.
Nous sommes quelques uns à penser que l’étude et la dénonciation
de ce crime politique hors normes sont non seulement nécessaires
d’un point de vue éthique, mais particulièrement intéressantes
pour mettre à nu les mécanismes les plus fondamentaux de la science
du pouvoir telle qu’elle est mise en oeuvre à notre époque.
Ainsi, nous sommes confrontés d’emblée à un scandale politique
d’un autre degré encore, lorsque nous ne pouvons que constater
l’invraisemblable cohésion qui aura entouré ce crime dégueulasse.

Faut-il dire que c’est l’ensemble de la communauté nationale qui s’est
ainsi compromise ? Oui, manifestement.

Depuis seize ans maintenant, tout le monde a eu tout le temps
nécessaire pour s’enquérir des faits.

Dès janvier 1995, nous pouvions publier un journal, diffusé à
100 000 exemplaires chez les marchands de journaux, accompagné
de milliers d’affiches titrant : La France tue. Ce journal très oublié
aujourd’hui, et peu remarqué en son temps, s’appelait Maintenant. Il
n’aura résisté qu’à peine plus d’un an dans le réseau de distribution
de la presse, mais tout au long de sa quinzaine de numéros, il n’aura
eu de cesse de marteler cette évidence de l’horrible crime français.
Dès avant Maintenant, et après, l’association Survie, avec son
journal Billets d’Afrique, dénonçait déjà le scandale d’une politique
inacceptable.

En 1998, comme on sait, le Rwandagate aura les honneurs de la
grande presse, avec les séries d’articles de Patrick de Saint-Éxupéry
dans Le Figaro qui provoqueront nombre d’autres articles du même
tonneau, et surtout la création de la Mission d’information parlementaire
présidée par Paul Quilès, un ancien ministre de la défense
de François Mitterrand, qu’on avait osé charger de présider l’enquête
parlementaire sur ce crime de l’armée française commis sous la direction
du Président socialiste…

Combien s’est-on moqué du monde ?

On ne relèvera même pas alors que si le travail de Patrick de
Saint-Éxupéry était méritoire, il n’en était pas moins bien tardif.
Confronté à un scandale aussi monstrueux, celui-ci aura retenu sa
plume près de quatre ans… Les émotions sont bien tempérées au pays
du crime absolu.

Revenant quelques années plus tard sur le sujet, ce journaliste
du Figaro commettra un livre, L’inavouable, remarquable a bien des
égards, bien qu’inférieur au contenu de ses articles de 1998, qu’on
espère toujours qu’il republie un jour. Plus que ce livre, on lui doit
alors la désoccultation d’un secret de polichinelle de la République
criminelle : la théorie de la guerre révolutionnaire, connue pour son
application dévastatrice en Algérie, aurait bien pu être l’arme de destruction
massive employée au Rwanda.

Cette révélation importante suivait celles de Marie-Monique
Robin quant à l’utilisation de la même doctrine dans le contexte des
dictatures fascistes sud-américaines toutes soutenues par l’armée
française, ainsi que son documentaire, diffusé fin 2003, le révélait un
quart de siècle après les faits.

On aimerait s’arrêter là, et arrêter un instant de parler du Rwanda.
En mars 2004, un ami de Patrick de Saint-Éxupéry, Gabriel Périès,
témoignait devant la Commission d’enquête citoyenne, révélant à
son tour que des centaines de militaires français avaient participé
directement aux horreurs de la dictature argentine, sous la présidence
de Valéry Giscard d’Estaing. Périès déclarera alors qu’il détenait
la liste nominale des quelques six cent militaires français qui
étaient à Buenos Aires, dans les centres de torture et à l’état-major,
du temps du général Videla – avec la bénédiction de l’archevêque de
la Plata, faut-il le préciser ?

On a mis fort longtemps avant de juger Maurice Papon pour ses
responsabilités quasiment insignifiantes dans l’État antisémite français
du temps de la collaboration entre nazis allemands et français.
Combien de temps mettra-t-on avant de juger Valéry Giscard
d’Estaing pour avoir envoyé l’armée française assister et encadrer les
tortionnaires argentins ?

Les archives du système Condor, coordonnant l’ensemble des
dictatures sud-américaines des années 70, ont été ouvertes, en 1992,
au Paraguay. C’est là qu’était mise à jour pour la première fois la participation
directe de l’armée française à cette entreprise néo-nazie
internationale qui aura ensanglanté l’Amérique latine une bonne
quinzaine d’années.

496 pages • 15 euros

A partir du 13 mai, dans toutes les bonnes librairies, ou en commande sur le site de Lady Long Solo.

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 10/05/2010

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