Insécurité = clandestins + mineurs : la très droitière question de Cornano à Valls

19/10/2013
Insécurité = clandestins + mineurs : la très droitière question de Cornano à Valls
 19/10/2013

Le sénateur Jacques Cornano, dans une question écrite à Manuel Valls, avait interpelé le ministre de l’Intérieur sur le nombre élevé d’homicides en Guadeloupe - "deux fois plus élevé qu’à Marseille et en Corse" - et l’augmentation "très inquiétante du nombre de faits constatés d’atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes".

Dans une logorrhée toute politicienne, il attribue cette recrudescence des actes de violence aux "effets pervers de la mondialisation" - ça ne mange pas de pain, et ça permet de ne pas s’interroger sur les véritables raisons de cette inquiétante dérive de la société guadeloupéenne - avant de reprendre le discours de la droite décomplexée et du Front National, faisant un lien direct entre "recrudescence de l’immigration clandestine" et "hausse inquiétante de la criminalité et de la délinquance".

Aucune étude ne peut bien évidemment lier les 38 homicides survenus depuis le début de l’année en Guadeloupe avec une supposée "recrudescence de l’immigration clandestine". Ces homicides sont, pour ce que l’on en sait et pour leur très grande majorité, le fait de Guadeloupéens - et non d’immigrés clandestins... Qu’importe. Le sénateur groupe socialiste et apparentés s’inquiète principalement de la diminution des effectifs douaniers et de "la suppression de la police air-frontières"...

Après ce laïus sur l’immigration clandestine, le Maire de Saint-Louis-de-Marie-Galante finit quand même par aborder les vrais problèmes : "l’insécurité est aussi liée à la formation, à l’éducation et au chômage".

"De fait, à la fin du mois de juillet, le nombre de demandeurs d’emplois s’établissait à près de 68 000 ; parmi ces chômeurs, 8 610 avaient moins de 25 ans et 38 510 entre 25 et 49 ans, les deux catégories réunies représentant 69,52 % des demandeurs d’emploi ; en Martinique et en Guyane, le constat, terrible, est identique. Parce que le problème doit être abordé dans sa globalité, il est urgent d’associer les ministres du travail, de l’éducation et de la famille à la politique de lutte contre l’insécurité."

"La population demande du travail", poursuit le sénateur, signifiant qu’il "nous appartient de trouver les voies et moyens pour créer de l’activité, et donc des emplois". On apprendra ainsi que "l’association des maires de Guadeloupe s’est réunie", et que "des pistes ont été dégagées" pour tenter de résoudre ce grave problème d’insécurité.

Et parmi ces pistes, les élus des communes guadeloupéennes ont "en particulier", pensé à des mesures qui, n’en doutons pas, seront à même d’inverser cette tendance alarmante. Une seule piste est évoquée : "des arrêtés municipaux pourraient être pris pour établir des couvre-feux pour les mineurs"...

Nous voilà rassurés. Car c’est bien connu, et le sénateur Jacques Cornano, membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, tout comme l’association des maires de Guadeloupe nous le rappellent dans cette brillante question au ministre de l’intérieur : la violence, en Guadeloupe, les trop nombreux homicides et ces multiples atteintes à l’intégrité physique des personnes, sont le fait des clandestins et des mineurs...

Jacques Cornano finit sa très droitière interpellation du ministre par un formidable : "Monsieur le ministre, à quand le retour de la police air-frontières à Marie-Galante ? Quels moyens policiers et douaniers envisagez-vous de mobiliser pour remédier aux problèmes que nous rencontrons actuellement ?"

La vrai question serait plutôt la suivante : le sénateur Cornano croit-il sérieusement que l’augmentation de la violence en Guadeloupe résulte d’un problème d’effectif policier et douanier, ou qu’elle est principalement le fait de mineurs et de clandestins ?


Question de M. Jacques Cornano

Question d’actualité au gouvernement n° 0228G de M. Jacques Cornano (Guadeloupe - SOC-A)
publiée dans le JO Sénat du 04/10/2013 - page 9013

M. Jacques Cornano :

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Trente-sept : c’est le nombre des homicides dans le département de la Guadeloupe depuis le début de l’année. Ce taux de mortalité nous donne le vertige et interpelle au quotidien nos populations. De fait, il est deux fois plus élevé qu’à Marseille et en Corse, dans une quasi-indifférence des pouvoirs publics.

En Guadeloupe, la police et la gendarmerie ont enregistré cette année une augmentation très inquiétante du nombre de faits constatés d’atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes.

Notre société connaît une perte des valeurs traditionnelles, victime, comme beaucoup d’autres, des effets pervers de la mondialisation.

La Guadeloupe subit aujourd’hui une recrudescence de l’immigration clandestine, ainsi qu’une hausse inquiétante de la criminalité et de la délinquance. L’archipel est en proie aux trafics en tous genres ; les armes y circulent librement et impunément.

Ces phénomènes résultent notamment de la diminution des effectifs douaniers – 255 agents en 2013 contre 342 en 2007 –, de la suppression de la police air-frontières et d’un nombre très insuffisant d’agents par brigade : sept à Port-Louis, six à Saint-François, cinq, et bientôt quatre, à Marie-Galante.

L’insécurité est aussi liée à la formation, à l’éducation et au chômage. De fait, à la fin du mois de juillet, le nombre de demandeurs d’emplois s’établissait à près de 68 000 ; parmi ces chômeurs, 8 610 avaient moins de 25 ans et 38 510 entre 25 et 49 ans, les deux catégories réunies représentant 69,52 % des demandeurs d’emploi ; en Martinique et en Guyane, le constat, terrible, est identique.

Parce que le problème doit être abordé dans sa globalité, il est urgent d’associer les ministres du travail, de l’éducation et de la famille à la politique de lutte contre l’insécurité.

La population demande du travail ; il nous appartient de trouver les voies et moyens pour créer de l’activité, et donc des emplois, dans des secteurs porteurs d’avenir : les énergies renouvelables, l’agro-transformation, les métiers de l’environnement et de la mer, ainsi que le tourisme ; d’ailleurs, parlant du tourisme, il est tout à fait illusoire d’envisager son développement durable dans de telles conditions d’insécurité.

L’Association des maires de Guadeloupe s’est réunie samedi dernier, et des pistes ont été dégagées : en particulier, des arrêtés municipaux pourraient être pris pour établir des couvre-feux pour les mineurs.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Jacques Cornano. Nous attendons des engagements forts de l’État. Monsieur le ministre, à quand le retour de la police air-frontières à Marie-Galante ? Quels moyens policiers et douaniers envisagez-vous de mobiliser pour remédier aux problèmes que nous rencontrons actuellement ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux ainsi que MM. Jean-Vincent Placé et André Gattolin applaudissent également.

Réponse du Ministère de l’intérieur

publiée dans le JO Sénat du 04/10/2013 - page 9013

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur.

Monsieur le sénateur, il n’y a pas de territoire « oublié » de la République ; il ne peut pas y en avoir. La situation aux Antilles et dans les outre-mer en général, malgré certaines différences, est une préoccupation constante du Gouvernement. Victorin Lurel s’en saisit dans toutes les dimensions que vous avez évoquées, notamment dans la deuxième partie de votre question.

Le Premier ministre s’est rendu aux Antilles il y a quelques semaines ; beaucoup de ministres s’y sont déplacés et j’irai moi-même en Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Martin, dans une quinzaine de jours, pour aborder ces questions de sécurité. Nous nous rencontrerons au préalable, vous le savez, pour préparer ce déplacement.

Il faut dire la vérité, et vous l’avez d’ailleurs parfaitement évoquée : la situation, dans les Antilles, est très difficile. Les crimes, les règlements de comptes, les violences au sein des familles, en Guadeloupe comme à Saint-Martin, sont particulièrement préoccupants, et en considérable hausse.

Nous avons mis en place, depuis la fin du mois de juin dernier, un plan d’action, conçu avec le ministre des outre-mer, mis en œuvre en Guadeloupe et en Martinique, afin de faire reculer durablement les violences, les phénomènes de bandes, les cambriolages.
Les forces de l’ordre sont en train de se réorganiser. Il faut nous attaquer aux phénomènes et aux secteurs les plus criminogènes, lutter contre l’économie souterraine, qui joue un rôle tout à fait essentiel. Un groupe spécifique a d’ailleurs été créé pour lutter contre les bandes. De ce point de vue, il faut mobiliser tout le monde : l’État, bien sûr, dont c’est la mission principale, les collectivités territoriales, mais aussi toute la société. La réponse ne peut venir uniquement des pouvoirs publics, même si son rôle est tout à fait essentiel, pour les raisons que vous rappeliez tout à l’heure, monsieur le sénateur. Il convient que toute la société guadeloupéenne se mobilise.

Le Premier ministre l’a annoncé, des renforts d’effectifs sont programmés, à hauteur de 27 policiers pour la Guadeloupe et 25 pour la Martinique. Une zone de sécurité prioritaire est mise en place à Pointe-à-Pitre-les Abymes et une seconde concerne les cinq quartiers de Fort-de-France. Là aussi, il s’agit de mobiliser l’ensemble des forces.
Le déplacement que je m’apprête à faire nous permettra d’aller encore plus loin pour être ensemble plus efficaces face à cette violence.

En tout cas, la métropole sait parfaitement ce qu’elle doit aux Antilles, et notamment au département de la Guadeloupe.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. André Gattolin applaudit également.


Lien vers la question et la réponse de Manuel Valls (Question d’actualité au gouvernement n° 0228G de M. Jacques Cornano publiée dans le JO Sénat du 04/10/2013 - page 9013 / Sénat.fr)