La Nuit rwandaise n°4

Bitin - 10/05/2010
Image:La Nuit rwandaise n°4

13 mai, jour du repentir
50 ans de néo-colonialisme

2010, 50 ans de néo-colonialisme.

La Nuit rwandaise, revue annuelle consacrée à l’implication
française dans le génocide des Tutsi, paraît cette année le
13 mai en mémoire des résistants de Bisesero, victimes
de la barbarie coloniale. Le 13 mai, jour du repentir.

C’est alors qu’on passa aussi, à grand prix, un contrat avec la
société de services de Paul Barril pour une « opération insecticide »
qui n’avait quasiment plus d’objet. Au cas où des témoins aient survécu,
il fallait qu’on puisse prétendre que ces soldats français qu’ils
avaient vus auraient aussi bien pu être des mercenaires. Des « soldats
perdus »
, dit Hubert Védrine à Politis.

Confronté aux informations de Farnel, on apprend aussi pourquoi
cette participation manifeste de soldats français à des épisodes aussi
spectaculaires que les massacres des 13 et 14 mai, n’avait jusque-là
pas été prise en compte. Malgré le recoupement de l’enquête de
Farnel par Anne Jolis, une journaliste du Wall Street Journal réputé
pour sa rigueur, celle-ci n’aura fait l’objet d’aucune reprise à ce jour,
en dehors de quelques revues confidentielles, Controverses ou
Diasporiques, la revue de la Ligue des Droits de l’Homme.
Lors d’une récente table ronde organisée par la LDH pour examiner
les informations rapportées par Farnel, Catherine Choquet,
qui a participé aux précédentes enquêtes de Human rights watch et de
la FIDH au cours desquelles de nombreux témoignages ont été
recueillis, reconnaissait que seuls 25% de ces témoignages avaient
été pris en compte. On apprenait dans le même mouvement que les enquêteurs d’African rights avaient pareillement écarté la plupart des
témoignages qui leur avaient été faits.

À cette table ronde, qui s’est tenue dans les locaux de la LDH,
salle Alfred Dreyfus, le 16 avril 2010, Philippe Lazar, patron de la
revue Diasporiques, comme d’autres intervenants, pouvait insister sur
la nécessité que la centaine d’heures de témoignages enregistrés par
Serge Farnel soient retranscrits intégralement, et que les traductions
du kinyarwanda soient révisées soigneusement, afin qu’on dispose le
plus fidèlement possible de la parole des rescapés, comme de celle de
leurs bourreaux qui acceptent aujourd’hui de témoigner, après avoir
purgé leurs peines.

De même, les cinquante-six heures de témoignages recueillis
par Cécile Grenier demandent toujours à être intégralement retranscrites,
et leur traduction fixée avec la plus grande rigueur. Georges
Kapler a, lui, engrangé une trentaine d’heures dont seule une petite
fraction a été diffusée lors de la Commission d’enquête citoyenne de
2004. Enfin, la masse de témoignages écartés par African rights et
Human rights Watch doit être également exploitée avec soin, en ayant
conscience que cette masse documentaire constitue la mémoire du
génocide. L’indispensable matériau de la connaissance du crime.
Surtout, riches d’une meilleure connaissance des faits, il est toujours
temps de retourner sur le terrain, pour tenter d’en apprendre
plus auprès de ceux qui, seize ans après, sont encore vivants.

À l’initiative de la Commission d’enquête citoyenne, une poignée
de ces témoignages auront connu une destinée différente, faisant
l’objet de procédures contre l’armée française, dont la première
concernant six d’entre eux est toujours en attente devant le Tribunal
des armées de Paris. Une deuxième, regroupant trois témoignages de
femmes se plaignant d’abus sexuels de la part de soldats français, a
récemment été reçue, et devrait passer en justice, grâce à l’insistance
d’Annie Faure.

D’ores et déjà, nous en savons assez, bien assez, pour incriminer
les responsables politiques et militaires français. C’est ce dont prenait
acte la commission Mucyo, il y a deux ans, en désignant 34 d’entre
eux : Mitterrand, Juppé, Léotard, Marcel Debarge, Hubert Védrine,
Édouard Balladur, Bruno Delaye, Jean-Christophe Mitterrand, Paul
Dijoud, Dominique de Villepin, Georges Martres, Jean-Michel
Marlaud, Jean-Bernard Mérimée, pour les civils. Jacques Lanxade,
Christian Quesnot, Jean-Pierre Huchon, Raymond Germanos,
Didier Tauzin, Gilles Chollet, Bernard Cussac, Jean-Jacques Maurin,
Gilbert Canovas, René Galinié, Jacques Rosier, Grégoire de Saint-
Quentin, Michel Robardey, Denis Roux, Étienne Joubert, Patrice
Sartre, Marin Gillier, Éric de Stabenrath, Jacques Hogard, Jean-
Claude Lafourcade, pour les militaires.

Dans cette liste manquait manifestement le nom du ministre de
la coopération du temps du génocide – et de sa préparation –, Michel
Roussin, qui aura été particulièrement actif. Et sûrement d’autres.
Quant à ce celui-ci, rappelons qu’il était ministre de la coopération,
et à ce titre ministre de tutelle de la coopération militaire, soit de
l’ensemble des troupes envoyées au Rwanda. Le général Huchon,
dirigeant la Mission militaire de coopération, s’est distingué pour son
maximalisme anti-tutsi, souvent dénoncé, comme dans cette liste
proposée par le rapport Mucyo, où il figure au troisième rang des responsables
militaires, après l’amiral Lanxada, chef d’état-major des
armées, et le général Quesnot, chef d’état-major particulier de
François Mitterrand. On observe rarement toutefois qu’Huchon agissait
sous la tutelle de Michel Roussin, celui qu’on pourrait appeler “le
gendarme de l’Hôtel de Ville”
, de la même façon qu’on a pu qualifier
Paul Barril ou Christian Prouteau de “gendarmes de l’Élysée”.

Avec Chirac, à la mairie de Paris, Roussin se formera à des fonctions
plus directement politiques. Il aura alors, en particulier, la
haute main sur le système de financement du RPR, avec Yvonne
Casseta et Jean-Claude Méry, ainsi que le juge Halphen a pu le mettre
à jour. C’est en tout cas sur la base de ces exploits qu’il se verra
promu ministre dans le gouvernement Balladur. [Voir à ce sujet
Balladur l’inconscient, dans ce numéro.]

Dès la première réunion de
conseil restreint de défense, le 2 avril 1993, on put voit le nouveau
responsable de la coopération militaire souhaiter “s’engager plus activement
dans ce dossier”
, en particulier pour mettre en oeuvre le “renforcement”
du dispositif français qui sera ordonné ce jour-là. Quelques
jours plus tard, le 7 avril 93, il demande l’envoi d’une mission
conjointe de l’état-major des armées et de son ministère, pour veiller
à la mise en place des “moyens supplémentaires” débloqués lors du
conseil précédent, dont on sait qu’ils consisteront à booster le programme
génocidaire destiné à éclater un an plus tard.

496 pages • 15 euros

A partir du 13 mai, dans toutes les bonnes librairies, ou en commande sur le site de Lady Long Solo.

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 10/05/2010

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